Bolivie

Potosi, la Belle méconnue

Après notre découverte de la fabuleuse région du Sud Lipez et un passage éclair par la ville-étape d’Uyuni, on entre dans le vif du sujet et on débarque à Potosi, au cœur de la Bolivie.

Potosi, une ville à l’Histoire compliquée

C’est peu dire que Potosi possède une Histoire compliquée. La ville, située à 4090 mètres d’altitude (la plus grande ville du monde à une telle hauteur), a été construite au pied d’une montagne, le cerro rico (la « montagne riche »), qui culmine à 4800 mètres et qui, surtout, pour le meilleur et pour le pire, regorgeait d’argent. C’est au milieu du 16e Siècle que les espagnols apprennent l’existence de ces gisements par un indien de l’Altiplano (le malheureux). Ni une, ni deux, les espagnols se ruent sur cette riche montagne et en commencent l’exploitation… Enfin, pas eux-mêmes, pour ça il y a des indiens et des esclaves importés d’Afrique… Les conditions de travail sont abominables, indiens et africains meurent par millions (il y aurait eu 8 millions de morts en 300 ans), tandis que l’argent est envoyé vers l’Espagne (puis les banques nord européennes) par milliers de tonnes. Bref, un modèle de pillage par la colonisation.

Dans le même temps, la ville se développe, rapidement elle compte plus de 100.000 habitants, se voit dotée du titre de « ville impériale », et devient la citée la plus importante du continent. Potosi voit apparaître une haute bourgeoisie qui dépense sans compter ; la ville est riche, fastueuse, on y construit églises et monuments couverts d’argent. C’est de la richesse de Potosi, alors située dans ce que l’Espagne appelait la Vice-Royauté du Pérou, qu’est née l’expression française « c’est pas le Pérou ».

L’indépendance bolivienne est acquise en 1825, mais pour la mine, c’est trop tard, les gisements d’argent s’épuisent, et si aujourd’hui la mine est toujours exploitée (par des mineurs plus ou moins indépendants, organisés en coopératives), c’est pour en extraire d’autres matériaux moins lucratifs (fer, étain, zinc).

L’agréable centre historique

Que reste-t-il aujourd’hui ? Une ville étonnamment agréable, du moins dans le centre historique, constitué, de part et d’autres de l’hyperactive et encombrée rue Bolivar, d’un réseau de ruelles étroites souvent pavées, avec peu de circulation et où les piétons déambulent sereinement. Les façades des maisons, défraichies mais colorées, agrémentées de balcons en fer forgés et de bow-windows en bois, rappellent le faste passé de la ville.

Dans ces ruelles et sur la place principale, dominée par la cathédrale, où encore au marché central, beaucoup de monde se promène, à toute heure. Le centre ville est vivant, plein d’animation. Des gens affairés, des grappes d’écoliers et lycéens (qui n’ont école que le matin ou l’après midi, par roulement, faute de locaux et de profs en nombre suffisant !), des cholas (les femmes en tenue traditionnelle) qui transportent leurs tissus colorés, des bus hors d’âge qui grimpent poussivement les rues en pente… Et nous, au milieu de tout ce monde, pendant deux jours on se laisse transporter par cette ambiance si dépaysante et on ouvre grand les yeux !

On visite également le couvent Santa Teresa, qui date de la fin du 17e Siècle. Fondé par l’ordre des carmélites, il accueillait jusqu’à 21 femmes (en général la deuxième fille des riches familles) cloîtrées ici à vie par leurs parents. Les bâtiments, les deux cloîtres et l’église adjacente sont bien conservés et la visite est très intéressante, d’autant qu’on a eu la chance d’avoir une guide francophone passionnée et intarissable tant sur le site lui-même que sur la ville de Potosi.

Fallait-il visiter la mine ?

C’est la question qu’on s’est posée en arrivant, sachant que la plupart des visiteurs ne viennent à Potosi que dans ce but. On était hésitant, car on trouvait que la visite, qui permet de ressentir par soi-même l’ambiance particulière de la mine et de discuter avec des mineurs en activité, pouvait être vraiment instructive, pour mieux comprendre les conditions de travail, encore particulièrement pénibles et dangereuses (il y a encore des morts chaque année). Mais il y avait à notre goût un côté « attraction » beaucoup trop marqué. Les agences sont nombreuses à proposer (avec insistance) cette visite / attraction ; on déguise le visiteur en mineur ; bref, le côté mise en scène ne nous a pas plu et on a décidé de zapper.

Quoi qu’il en soit, avec ou sans la visite de la mine, Potosi reste une ville attachante qui mérite quelques jours d’arrêt sur la route entre Uyuni et Sucre !

Infos pratiques

– Bus Uyuni – Potosi : 4H de trajet, 30 bolivianos par personne (toutes les compagnies sont situées dans la rue derrière l’église)
– Hostal Koala Den : TB, chambre double avec SDB négociée à 150 boliviano (au lieu de 180)
– Pour se déplacer dans Potosi : Bus 1,5 boliviano par personne le trajet, pas d’arrêts, on arrête le bus n’importe où dans la rue ; taxi 5 boliviano par personne
– Visite du couvent Santa Teresa : 40 boliviano par personne, visite guidée obligatoire (possible en français).

8 commentaires

  • Chris

    Ouf,vous avez échappé au détournement de mineur….Petit détail technique ,8 millions de morts pour le seul Potosi, ça me semble beaucoup. Peut être pour toute l’Amerique latine, épidémies comprises….Ce qui ne décharge pas la bagnole des conquistadors, qui comme chacun sait partaient : »ivres d’un rêve héroïque et BRUTAL!!!

    • Kikis

      8 millions de morts pour la seule mine de Potosi, c’est bien le chiffre qu’on a entendu ici.
      On n’est pas des spécialistes de la question, et a priori les chiffres sont discutés, mais certains avanceraient le chiffre de 90 millions de morts pour les deux Amériques (notamment un prof américain, David Stenard, dans un bouquin intitulé American Holocaust – The Conquest of the new World, Oxford University Press, 1992. Mais c’est juste une référence qu’on a trouvé sur internet, on n’a pas lu le bouquin… à creuser !).

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