Cambodge,  Laos

A la frontière Laos – Cambodge, la corruption jusqu’au bout des ongles

Rencontres de voyageurs et lectures de blogs nous avaient alertés, le passage de la frontière entre le Laos et le Cambodge, c’est toute une histoire ! Dans ce minuscule poste frontière perdu au milieu de nulle part et entouré de champs arides, fait de quelques cabanes de part et d’autre des barrières délimitant le court no man’s land, la corruption des douaniers est effrayante. Tout est prétexte à une taxe de quelques dollars : il faudrait graisser la patte des laotiens pour obtenir le tampon de sortie sur son passeport, payer pour un faux contrôle médical, repayer un supplément pour obtenir son visa cambodgien et son tampon d’entrée, le tout sous la menace de se voir refuser la sortie / l’entrée du pays.

Mais, nous a-t-on appris, il est possible, avec beaucoup de patience et de sang froid, de passer la frontière tout en refusant de payer ces pots-de-vin.

C’est donc remontés à bloc qu’on prend la route de la frontière, bien décidés à gagner la guerre des nerfs face aux douaniers. Question d’économies, mais aussi de principe : hors de question qu’on cède sans discussion face à un tel racket !

Un racket bien rodé : ça commence dans le bus…

L’arnaque commence dans le bus. Un mec de l’équipage, qui n’a aucune autorité de police et qui est juste co-chauffeur de bus, mais qui est de mèche avec les douaniers, annonce que dans le but de gagner du temps, le mieux est de lui confier nos passeports et nos formulaires, et qu’il s’occupera de tout. Il suffit de lui donner également 40 $, c’est-à-dire, prétend-il, le même prix que si on se débrouille nous-mêmes, puisque c’est un tarif « all inclusive », comprenant les frais de tampon et autre. En réalité, c’est 10$ de trop, puisque les frais consulaires pour le visa sont de 30$, et que tout le reste est illicite. Dans notre bus, une dizaine de personnes marchent déjà dans sa combine.

Tampons de sortie du Laos ? C’est deux dollars !

On se présente parmi les premiers au poste laotien pour la sortie du territoire. On tend nos passeports pour obtenir le tampon.

« – Pour le tampon c’est 2 dollars chacun
– quoi ? Mais on n’a pas 2 dollars !
– on prend aussi les kips ou les baths thaïlandais.
– on n’a plus de kips, on n’a plus d’argent !
– ok, attendez sur le côté.
– mais , et nos tampons ?
– on verra plus tard »

On se pousse vaguement, on laisse passer une personne, qui paye sans discuter, et hop, on s’incruste à nouveau :

« – on peut avoir notre tampon ?
– c’est 2 dollars chacun !
– mais on n’a pas d’argent ! »

Sur environ 70 personnes, on n’est qu’une petite dizaine à refuser de payer, tous les autres raquent, soit par manque d’information, soit en cédant en toute connaissance de cause au racket (sur le thème : « c’est comme ça on n’y peut rien »). Entre chaque personne, on continue à saouler les douaniers et à perturber la file, et eux continuent à nous ignorer et à faire passer ceux qui payent.

Quand il ne reste plus que les réfractaires, les douaniers font un peu traîner, rangent les tampons et tentent de nous laisser croire qu’on va restés bloquer ici. L’ambiance reste quand même assez détendue, on fait la discussion aux douaniers, on leur demande leur nom, s’ils aiment leur métier, si ça gagne bien, on grignote et on leur dit qu’à défaut d’argent on peut toujours partager nos bananes séchées avec eux, ce qui fait marrer tout le monde… Le chef douanier finit par faire semblant de téléphoner « à son chef », et nous annonce un tarif « special for you » de 1$ par personne. Youhou, c’est la promo sur les pots de vins ! Mais c’est encore trop et on refuse. Finalement, pour débloquer la situation en permettant aux douaniers de sauver les apparences, on sort de nos poches quelques kips qu’on avait prévus (l’équivalent de 50 centimes pour deux), et ça passe. Tout le monde fait pareil et obtient son tampon.

Côté cambodgien : tu payes ou tu retournes au Laos !

Première étape passée, maintenant, direction le Cambodge. Là, il faut commencer par ignorer les appels pressants des mecs qui tiennent le « stand médical » ; c’est un stand où on vous « examine » et où vous avez invariablement 42° de température, sauf si vous payez 2 dollars, auquel cas on vous délivre un « papier jaune » autorisant soi-disant l’entrée dans le pays. C’est évidemment complètement bidon, et on peut passer sans s’arrêter, ce que, évidemment, on fait allègrement.

Direction la cabane où sont délivrés les visa cambodgiens. Le tarif réel est de 30 $, mais on nous en demande 35… C’est reparti pour le même cirque :

« – mais on n’a que 60 dollars pour nos deux visas, on n’a prévu que ça puisque c’est le prix.
– non, le prix c’est 35 dollars, parce que ca inclut les frais de tampons et autres
– mais non, c’est 30$, j’ai encore vérifié hier sur le site internet du gouvernement cambodgien.
– non ,30$ dans les grandes villes, mais ici c’est un petit poste, c’est 35$
– on n’a pas l’argent
– alors retourne au Laos ! »

Ceux qui acceptent la taxe sont déjà passés, et il reste donc ici notre petit groupe de 10 réfractaires. La scène s’éternise, dans un climat beaucoup plus tendu que côté laotien. Ici, les douaniers se montrent très agressifs : on nous jette nos passeports sur le comptoir, on nous dit des trucs du genre « retourne au Laos ! », ou « tu peux y retourner à ton ambassade » (quand on évoque les informations données par l’ambassade).

A un moment, les douaniers nous font le coup de faire semblant de fermer le poste frontière, en remballant le matériel et la valise de billets, mais on tient bon. On sait que leur impunité, aussi grande soit-elle, ne va pas jusqu’à leur permettre de vraiment bloquer des gens ; on va attendre, mais on finira par passer.

On patiente tous, en se montrant aussi agaçants que possible ; on s’accoude au comptoir en mangeant, un mec allume sa clope, on sifflote sous le nez des douaniers, personne ne bouge quand on nous ordonne d’aller nous asseoir plus loin, on rigole entre nous… Et ils ne réagissent pas ! C’est fou comme leur corruption leur a fait perdre toute autorité. Face à un vrai douanier, en général on évite de faire les malins… Mais là ce sont juste des clowns en uniforme qui se ridiculisent…

La situation semble se compliquer encore quand les douaniers se mettent à exiger le « papier jaune » du stand médical. On refuse d’y aller :

«- Non non, c’est bon, merci, on n’est pas malades
– pas de papier jaune, pas de visa ».

Et puis, tout se décoince d’un coup : au moment où on s’y attendait le moins, subitement on nous prend enfin nos passeports et on nous délivre nos visas. On avait entre temps sorti 2 dollars de plus pour tenter de débloquer les choses, et en ce qui nous concerne nos visas nous coûtent donc 31 dollars chacun au lieu de 30 ; on regrette d’ailleurs un peu parce que d’autres dans notre groupe s’en sont tenus aux 30 dollars officiels, mais bon.

Après ça, il ne reste plus qu’à obtenir le tampon d’entrée dans un nouveau stand, mais là ça passe tout seul, on ne nous demande rien vu qu’on est censé avoir payé les 5 dollars au stand de délivrance des visas (au stand des tampons, seuls ceux qui avaient déjà leur visa se font racketter).

On rejoint donc notre bus, qui nous a attendus (le chauffeur ne nous a d’ailleurs pas fait le coup du faux départ, comme il semble que ça arrive parfois), et en route !

Bilan du passage, donc : plutôt bon, puisqu’on s’en tire pour 2,5 dollars à deux au lieu de 20. Mais pas totalement satisfaisant non plus puisqu’on a quand même un peu payé… On essaiera de faire mieux la prochaine fois !!

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