Kuelap, la cité des « guerriers des nuages »
Pour la dernière des trois journées de route nécessaires pour atteindre Kuelap depuis Huaraz, via Trujillo puis Cajamarca, ce sont 12 heures de bus qui nous attendent. Un long trajet, mais qui d’un bout à l’autre offre des paysages magnifiques.
La route étroite serpente au cœur des montagnes, alterne ascensions, passages de cols dans les nuages, redescentes, les vallées se succèdent. Le bus suit tranquillement son chemin, dans un tel environnement impossible d’aller vite, et d’ailleurs en 12 heures on ne parcourra que 300 kilomètres. Hormis quelques zones rocailleuses où seuls poussent les cactus, bien que la région soit montagneuse la végétation est tropicale (palmiers, bananiers, manguiers…).
On est encore dans les Andes, mais aussi aux portes de l’Amazonie, ce qui donne à la région une diversité assez fascinante. On traverse d’ailleurs le rio Maranon, qui bien plus loin se jette dans l’Amazone (et sur lequel on avait eu l’occasion de naviguer il y a un an lors de notre périple en Amazonie).
Le trajet donne lieu à quelques péripéties. Si le départ à 5 heures du matin s’est fait sans problème, trois heures plus tard à l’issue d’une pause dans un coin perdu, Nico n’apparaît plus sur la liste des passagers, alors que le bus est plein, et le prochain passe dans 10 heures. Un conciliabule se tient pour trouver une solution ; Célia propose d’abandonner Nico mais sa solution est rejetée, et finalement on nous offre la place du copilote dans la cabine du conducteur (le pauvre copilote se retrouvant à voyager assis dans l’escalier…), avec vue panoramique sur la route. Problème réglé !
Le deuxième incident est plus problématique… Alors qu’on marque une pause dans le petit village de Leymebamba, une heure avant la fin de notre trajet, le bus semble être en panne ; on dit « semble » car les choses ne sont pas très claires : les chauffeurs sont sous le bus en train d’inspecter quelque chose, à plusieurs reprises on nous annonce qu’on repart avant de nous dire que finalement non…
Visiblement les chauffeurs hésitent, ça palabre beaucoup, et on finit par comprendre que le problème concerne… les freins… mais qu’on envisage de repartir quand même ! Pour plusieurs passagers et pour nous aussi, hors de question de s’engager dans ces routes montagneuses sans freins opérationnels ! On s’apprête à quitter le bus, quand un flic, qui avait tout suivi (notre bus était en panne juste devant le poste de police), décide d’intervenir et d’interdire au bus de repartir. On se regroupe avec d’autres passagers pour embarquer à bord de l’un des rares collectivos du village, et on finit le trajet par nos propres moyens, sans attendre le bus de secours prévu dans la soirée. C’est finalement sans plus d’encombre qu’on atteint le village de Tingo Nuevo, où on se fait déposer vers 18 heures pour être au plus près du site de Kuelap, qu’on à l’intention de visiter le lendemain matin.
Kuelap se trouve sur la montagne qui fait face à celle où est situé le village de Tingo Nuevo, mais est désormais facilement accessible, depuis qu’un téléphérique a ouvert début 2017 et permet d’atteindre l’entrée du site en 20 minutes à peine, contre 1h30 de collectivo auparavant (ou, pour les courageux, 4 heures de randonnée). C’est le premier téléphérique du pays et on fait la montée avec une famille des environs venue l’expérimenter (gamines toutes contentes, papa et tonton qui examinent d’un œil expert le mécanisme, Mamita effrayée… Toute la panoplie de réactions est représentée !).
On arrive enfin sur le site lui-même, un village fortifié perché en haut d’une montagne, à 3000 mètres d’altitude environ, sur une arrête rocheuse très difficile d’accès et offrant une vue à 360 degrés sur les environs. Bref, un emplacement stratégique soigneusement choisi ! Kuelap a été l’un des sites principaux d’implantation des indiens Chachapoyas (« guerriers des nuages »), qui ont dominé la région pendant près de 1000 ans, avant qu’elle ne soit conquise par les Incas à la fin du 15e Siècle.
Le village est construit tout en longueur sur l’arrête rocheuse, en forme de serpent, l’un des animaux qui étaient considérés comme sacrés par les Chachapoyas. Il est bordé d’un côté par une haute falaise, et est fortifié de l’autre côté. De l’extérieur, on se trouve face à un mur de 20 mètres de haut, qui en réalité sert à retenir un terre-plein : à l’intérieur, le sol est au niveau du haut du mur. Les entrées sont du coup assez particulières : il n’y a pas de porte, mais des passages de forme trapézoïdale très étroits, des sortes de couloirs en pente raide pour atteindre le niveau du sol à l’intérieur et dont la largeur se rétrécit au fur et à mesure (au départ on peut être à trois côte à côte mais au bout du couloir la largeur ne permet plus que de passer un par un, dans un but défensif.
Dans le village lui-même, au cours des deux heures de visite on peut voir les restes d’une tour défensive, d’un temple, et surtout de nombreuses maisons, qui étaient toutes construites sur le même modèle : rondes, en pierres épaisses, avec une entrée très étroite, et construites sur une base de pierre, avec un toit en paille (Célia, experte en architecture, les a comparées à des maisons de schtroumpfs… sans commentaire !). A l’intérieur, il y avait un coin cuisine, un enclos pour l’élevage des cuy (les cochons d’Inde, qui se mangent !), et une sorte de mezzanine en bois. Chaque maison abritait une famille, en général environ 6 personnes, sans compter les ancêtres décédés… car on enterrait les morts dans le sous-sol même de la maison !
On trouve aussi sur le site les restes d’une structure en pierre qui était en réalité à la fois un calendrier agricole et une boussole. L’orientation des pierres permettait, en fonction de l’ombre projetée par le soleil selon la période de l’année, de déterminer les saisons et d’identifier le bon moment pour les différentes plantations. On remarque aussi que quatre pierres principales marquent parfaitement les quatre points cardinaux (vérification avec boussole à l’appui) ! Comme quoi les chachapoyas avaient acquis de bonnes connaissances scientifiques !
Conclusion : malgré son isolement, qui en réalité rajoute à son charme, Kuelap est un site qui vaut vraiment le détour ! S’il n’est pas aussi grandiose que le Machu Picchu, il constitue quand même un site majeur du Pérou ! On ne peut que conseiller d’y passer à tous ceux qui ont un peu de temps devant eux lors d’un voyage au Pérou !
Ah, au fait, pour l’anecdote : Kuelap a été découvert au 19e siècle par… un avocat, qui procédait à des mesures de terrains dans le cadre d’un litige foncier ! Comme quoi les avocats peuvent servir la cause de l’archéologie !!
Infos pratiques
En arrivant de Cajamarca, s’arrêter à Tingo Nuevo plutôt que dans la ville de Chachapoyas permet de gagner une heure de trajet, et d’éviter de refaire le trajet inverse le lendemain pour se rendre à Kuelap.
Bus Cajamarca – Tingo Nuevo (ou Chachapoyas) : la compagnie Virgen del Carmen n’est pas géniale, mais c’est la seule à assurer la liaison… Trajet environ 12 heures (en principe), tarif 50 soles.
Guesthouse à Tingo Nuevo : il y a 4 ou 5 possibilités de logement dans le petit village de Tingo Nuevo, on peut trouver une chambre double pour 70 soles (par exemple à EkoKuelap Hospedaje, qui compte trois jolis petits bungalow)
Accès à Kuelap : le téléphérique est en bordure du village (courte liaison en navette entre la billetterie et les cabines). Tarif 20 soles.
Site de Kuelap : compter environ 2h de visites plus 15-20 minutes de marche pour l’accès au site depuis le télépérique. Tarif : 20 soles (visite guidée très intéressante et nécessaire pour comprendre le site, en se groupant compter environ 10 soles par personne).
7 commentaires
Bucaille
Alors je suis morte. Lol
Chris
Quel est le rapport entre l’absence de place pour Nico et les freins déficients ? Très simple,c’est un signe de notre seigneur à son disciple: je t’aurais prévenu…’
Peut on annoncer à tout le monde que Célia se reconvertit dans l’architecture?
Bisous à nos Kikis andins
Kikis
L’explication est surement plus terre à terre… Bus pourri et compagnie pas très sérieuse ! Pour l’architecture, il reste des progrès à faire !!
Kat
C’est beau! Et tentant…
Pas trop difficile de respirer à cette altitude?
Kikis
L’altitude n’est pas si importante, c’était pire du côté de Huaraz !
Bucaille agnes
Heuuuuu la dernière photo est un pti clin d’œil pour moi ? Brrrrrrrrr
Kikis
On t’en rapporte une ?