Russie

De Moscou à Irkoutsk : 4 jours à bord du Transsibérien !!

Lorsque l’on explique notre voyage à des Russes et que l’on parle de notre projet de prendre le Transsibérien sur 3,5 jours pour rallier Irkoustk depuis Moscou, la réaction est unanime: « Mais pourquoi voulez-vous faire un truc pareil ???!!! »

La plupart des Russes ne voient pas du tout l’intérêt de passer autant de temps dans un wagon surpeuplé. Ils prennent le transsibérien par obligation, parce que l’avion est trop cher (il semble que la seule compagnie low-cost ait récemment fait faillite). Alors que nous…. On voulait vraiment essayer et on a trouvé ça hyper cool !!!

Le transsibérien, comment ça fonctionne ? tous nos conseils pour organiser son voyage

On peut acheter son billet très facilement à la gare à Moscou. Il y a des bornes très pratiques, en russe et en anglais, qui permettent de s’enregistrer et de choisir sa place (non seulement la catégorie mais aussi le type de couchette qu’on veut : en haut, en bas, coté couloir ou non, dans quel box). Par contre au guichet a priori personne ne parle anglais. On peut aussi tout simplement acheter son billet sur internet sur le site des transports russes (eng.rz.ru Attention le site russianrail.com n’est pas le site officiel). Inutile de passer par une agence de voyage ! En ce qui nous concerne le voyage Moscou – Irkoutsk nous coûte environ 115 euros chacun ; pour 3,5 jours et 5200 kilomètres, ça nous semble correct !

Au départ de Moscou il y a un départ par jour, à 13h20 (en tout cas lors de notre passage en novembre 2015). On achète nos places 3 jours avant : c’est un peu tard, il y a encore des places disponibles, mais on ne peut pas totalement choisir son emplacement (les couchettes du bas sont prises d’assaut).

Le train est composé de 3 catégories :
– La 1ère classe « Spalny » : cabine privée pour deux personnes.
– La 2ème classe « Koupe » : cabine partagée de quatre personnes.
– La 3ème classe « Platskart » : wagon de 54 personnes.

On choisit le platskart !

Le wagon de 54 personnes est divisé par groupes de 6 couchettes. D’un côté de l’allée centrale 2 couchettes superposées dans le sens de la marche et de l’autre côté 4 couchettes perpendiculaires à l’allée avec une petite tablette au milieu. Il y a des sortes de demi-cloisons mais l’ensemble est ouvert. On entasse ses sacs sous la couchette du bas ou sur une étagère située au dessus de la couchette du haut. La journée les couchettes du bas servent de banquettes pour tout le monde (il n’est pas possible de s’asseoir sur les couchettes du haut qui sont beaucoup trop basses). Coté couloir, la couchette est amovible et se transforme en une petite table avec deux places de part et d’autre.

Il est donc nécessaire de se coordonner avec ses voisins et de s’organiser pour pouvoir cohabiter. On s’assied sur le lit du voisin d’en bas, et il dit quand il veut s’allonger. On échange sa place sur la banquette pour que chacun puisse utiliser la petite tablette. Nos voisins sont très prévenants sur ce point et dès qu’on sort de quoi manger, ils se précipitent pour échanger les places. Evidemment, le mieux si l’on est deux est de choisir une couchette en haut et une en dessous pour maîtriser son organisation, en évitant le côté couloir qui est moins tranquille puisqu’il y a beaucoup de passage (par contre les couchettes sont un peu courtes –environ 1,75 mètres- et si on ne se replie pas un peu on a les pieds qui dépassent dans l’allée ! réveil en sursaut chaque fois que quelqu’un se cogne !). Il est aussi très souhaitable de se placer dans un box au milieu du wagon : les extrémités sont très passantes car d’un côté il y a les toilettes et de l’autre le Samovar et la Provodnitsa. Autant le dire tout de suite : c’est peu dire qu’on ne voyage pas en Platzkart pour le confort !!

Il faut être prêt aux petits espaces et à la promiscuité avec ses voisins !!!
Il faut être prêt aux petits espaces et à la promiscuité avec ses voisins !!!

Côté cuisine, il y a dans chaque wagon un « Samovar », c’est à dire un grand réservoir d’eau bouillante alimenté en permanence, très utile pour le thé, que les Russes consomment à longueur de journée, le café, et surtout les plats déshydratés (purées, soupes, noodles…) qui constituent pendant quelques jours la base de l’alimentation ! Il y a aussi un wagon restaurant mais les prix des plats sont élevés, il faut donc faire des courses avant le départ (on peut aussi acheter des petits compléments sur le quais aux arrêts).

Chaque Wagon est administré par une « Provodnitsa », (deux pour les Platskart), qui cumule les fonctions de contrôleur, d’hôtesse d’accueil, d’agent de sécurité, d’entretien, mais aussi de commerciale quant il s’agit d’essayer de vendre des chips ou des mars… La Provodnista a un rôle très important : elle connaît son wagon, elle a la liste des passagers et s’assure aussi que personne ne rate son arrêt, au besoin en réveillant les étourdis (le train s’arrête plusieurs fois par jours et par nuit, et des gens montent et descendent à chaque arrêt). Dernier point important du wagon… les toilettes. Il y en a deux par wagons de 54 et… et bien, jetons un voile pudique sur ce sujet ! (conseil : les toilettes / lavabos des 1ère classe sont moins utilisés, donc un peu plus propres : il ne semble pas interdit d’y aller, du moins, si les provodnitsa nous regardent parfois de travers, elles ne nous disent rien, et elles ne sont vraiment pas du genre à ne pas oser faire une remarque !)

Et qu’est-ce qu’on fait pendant tout ce temps de trajet ?!

La première chose que l’on fait quand on entre dans le train c’est de se mettre à l’aise. Dès le départ, tout le monde se met en pijou-chaussons, c’est comme à la maison ! Attention à celui qui marche nu-pieds ! La réprimande est immédiate ! Bien sûr, on s’est fait réprimander !

La vie s’écoule au ralenti, tout le monde prend son temps. Les occupations principales consistent à regarder le paysage défiler (et il change tout au long du trajet), à papoter avec ses voisins (dans notre cas c’est évidemment plus compliqué, mais pas grave, les gens nous parlent quand même !), bouquiner… Plusieurs Babouchka tricotent, d’autres jouent aux cartes… On circule beaucoup dans le wagon pour aller rendre visite aux passagers installés dans les autres box. Et puis surtout, la vie est rythmée par les repas (fréquents) et les siestes. Dans l’ensemble tout ça se fait très tranquillement : on a le temps, donc on prend le temps !!

Il y a bien sur des gens de différents styles, mais globalement la plupart des passagers sont du genre convivial et même chaleureux : on partage sa nourriture, on fait connaissance avec les uns et les autres, il y a une bonne ambiance !

Ce qui est particulier c’est qu’on a tendance à perdre la notion du temps. D’abord parce que le trajet est long et qu’on n’a pas l’habitude d’être confinés pendant si longtemps, et puis aussi parce qu’en trois jours, on passe quand même 5 fuseaux horaires. Et contrairement à l’avion où on absorbe le décalage horaire d’un coup, là c’est progressif et on ne sait pas vraiment quand on change d’heure. Comme en plus, les horloges du train et des gares restent à l’heure de Moscou, c’est un peu perturbant ; à la fin, il fait nuit à 13h !

La distraction que tout le monde attend, c’est les arrêts : le train s’arrête souvent (toutes les 4-5 heures), en général pour une quinzaine de minutes, et on peut sortir prendre l’air, acheter un peu à manger, et les fumeurs en profitent bien sur pour absorber leur dose de nicotine (depuis un an, une nouvelle loi en Russie interdit de fumer dans les lieux publics, et ça s’applique aux Trains ; la règle est respectée, hormis dans les sas entre les wagons, mais là ça ne dérange pas).

Et le paysage ?

Le paysage change au fil des heures, et la neige fait rapidement son apparition.

Le premier jour, une fois quitté les environs de Moscou, on traverse de grandes étendues de Taïga.

Ensuite le paysage se fait plus dépouillé : c’est la steppe eurasienne.

On traverse quelques villages isolés. Les maisons sont en bois, les chemins de terre ne sont pas goudronnés. Ça fait un peu far west !

Et nous, comment s’est passé notre trajet ?

Bien évidement, on fait une arrivée remarquée et pas seulement parce que nous sommes étrangers ! On monte dans le train, plus ou moins difficilement car Nico ne passe pas dans l’allée avec son gros sac et la tente ! On se rend à nos couchettes et là… catastrophe, nos couchettes ne sont pas dans le même box. On trouve le passager à côté de nous qui accepte gentiment d’échanger de couchettes pour qu’on puisse être ensemble … No problem !

Là dessus, on bloque la moitié du wagon parce qu’on est en plein milieu avec tout notre bordel qu’on essaie de ranger comme on peut au dessus de nos couchettes. Sauf que la Provodnista arrive un peu énervée et nous crie… euh non pardon nous explique … qu’on n’est pas sur les bonnes couchettes … finalement on était bien dans un box ensemble… du coup notre voisin toujours avec le sourire ré-échange de place avec nous ! Tout ça à bien pris 5 minutes !

Bref, on a bloqué la moitié du transsibérien en montant… mais finalement ça a eu du bon, les gens s’empressent de nous expliquer comment ça marche… entament la conversation… et même que le gars qu’on avait emmerdé à changer deux fois de place nous offre des pâtisseries pour nous souhaiter la bienvenue !

Une fois le train parti, tout le monde commence à s’installer tranquillou. On a deux couchettes en hauteur, ce qui s’avère pas mal du tout !

Notre recoin de 6 est composé de nous deux, Anna une Moscovite de 28 ans très sympa qui parle très bien l’anglais et qui va nous aider à nous comprendre avec nos voisins de couchettes mais qui nous quittera au bout d’une journée de voyage, « Grumpy » (un mec qu’on surnomme rapidement comme ça car globalement c’est un râleur, mais pas méchant) et Galina, une très gentille dame d’environ 70 ans qui rentre chez elle au Lac Baïkal. La composition de notre box changera régulièrement ; plusieurs personnes se succèdent pour occuper les anciennes places d’Anna, puis de Grumpy. On fera ainsi la connaissance d’Igor ; il vient du Kazakstan et nous fait écouter sa musique, tout en nous donnant des chocolats (comme vous l’aurez compris, la nourriture est un élément fondamental du voyage).

Le 1er jour s’écoule très vite car nous discutons longtemps avec Anna, puis deux nouvelles backpackeuses qui ont aussi embarqué à Moscou, Charlotte une Ecossaise de 22 ans (qui se rend en Australie pour travailler) et Liz une autrichienne de 26 ans (lancée dans un voyage de plusieurs années).

Soirée avec Anna, Charlotte et Liz
Soirée avec Anna, Charlotte et Liz

Les jours suivants s’écoulent tranquillement, on discute avec de nouvelles personnes. Dans l’ensemble les gens sont curieux et accueillants à notre égard ; en tant qu’étrangers on sent bien qu’on attire les regards. Nombreux sont ceux qui échangent quelques mots avec nous (mais en Russe car personne ne parle anglais hormis Anna – quelques personnes connaissent 2 ou 3 mots mais c’est tout) mais on se débrouille toujours.

Comme par exemple Piotr, Valentina, Dmitry et Dmitry (eh oui, c’est un prénom courant ici) que l’on rencontre quand ils nous installent à leur place pour taper à l’ordi et nous libérer la prise électrique (il n’y en a que 3 par wagons), visiblement on leur a fait pitié à rester debout près de la prise des toilettes !!

Piotr se lance dans de grandes discussion ; on ne comprend quasiment rien, mais à un moment on comprend, grâce à ses mimes, qu’il nous parle de biathlon. Pourquoi nous parle-t-il de biathlon ? Mystère ! On comprend finalement qu’il est admirateur de Martin Fourcade. Un peu plus tard, il cite en rigolant le nom de Nicolas Sarkozy : on lui explique avec force « niet sarkozy » qu’on n’est pas fan du bonhomme. Piotr n’arrête plus de parler même si on ne comprend quasi rien. Sa femme le fait taire en lui disant de nous laisser travailler… Il n’obéit pas vraiment ! Valentina aide Charlotte à tricoter, on communique avec notre guide et notre recueil de dessin.

Finalement leurs box devient un point de ralliement régulier, d’autant plus qu’un nouveau backpacker – Jukka, Finlandais de 33 ans – vient d’y prendre place après être monté dans le train à l’arrêt de Iekaterinburg.

On fréquente aussi le wagon bar, point de ralliement de notre petit groupe de backpackers quand on veut parler, jouer aux cartes mais ne pas déranger tout le monde le soir. On se dit qu’on devient un peu imposant à débarquer à 5 dans les box.

On a à cette occasion rencontré Anton qui nous paie une tournée pour nous souhaiter la bienvenue. On fait ainsi sa connaissance et celle de Dmitry (encore un !). Du coup on va chercher le saucisson et le fromage ! Du coup Jukka offre la tournée suivante !

On s’estime vraiment chanceux d’avoir rencontré Jukka, Charlotte et Liz : on s’entend bien, et on se retrouvera par la suite au lac Baïkal sur l’île d’Olkhon, puis avec certains d’entre eux à Oulan Bator en Mongolie. Mais c’est une autre histoire.

En dehors du wagon bar, qui est lui-même très calme, on observe que contrairement à ce qu’on supposait, il y a très peu d’alcool dans le train. Quasiment personne ne picole : la vendeuse du wagon bar passe bien proposer des bières à 10 h du matin (!!), mais personne n’en achète. Les exceptions sont rares : un groupe de mec se partage une bouteille de vodka au bout du wagon, et un mec dans le box à côté du notre se partage une bouteille avec lui-même : on l’observe et on finit par comprendre son rythme bien personnel : 45 minutes de sieste, une généreuse rasade de vodka, un petit coup d’eau pour faire passer le tout et hop re-dodo pour 45 minutes avant un nouveau cycle ! Il ne fait de mal à personne à s’assommer à la Vodka, mais problème, il pue grave ! Heureusement qu’il n’est pas dans notre box ça limite les dégâts ! Comme quoi une demi cloison peut servir !

Au soir du 2e jour, on fait LA connerie du trajet : alors que tout le monde roupille paisiblement, on est en route vers les toilettes du wagon de première classe, et on se trouve face à une porte verrouillée au niveau d’un changement de wagon. La provodnitsa déverrouille la porte et on peut passer. Au retour, rebelote, la porte est bloquée, cette fois avec un manche à balais. On commence à bidouiller les boutons sur le côté, et on appuie sur le gros bouton vert en plein milieu. Il déclenche l’ouverture… de la porte extérieure du train, lancé à 100 km/ h dans la nuit sibérienne !! On s’accroche et on referme la porte. 2 secondes plus tard, arrivée de la provodnitsa, à qui on présente notre expression la plus innocente possible ! On s’estime heureux que l’ouverture de la porte n’ait pas déclenché une alarme ou, pire, un arrêt d’urgence du train !

Le 3e jour, Galina qui a été ravitaillée en nourriture par un ami à une gare nous invite (« à la Russe », c’est-à-dire fermement et sans négociation possible) à partager son repas. Poulet, patates, crudités… le grand luxe pour nous qui mangeons surtout des purées et soupes déshydratées depuis le départ du train ! Galina veut qu’on mange, et il est clair que les plats doivent être finis ! Quand Célia essaye de faire la conversation à l’aide de notre guide, Galina lui prend le livre des mains et pointe du doigt les plats : pas besoin de parler Russe pour comprendre le message !

On lui montre nos photos de Moscou et St Pétersbourg, qu’elle commente au fur et à mesure. Elle est moins enthousiaste quand elle nous voit regarder un épisode sanglant de The Walking Dead !!

Le festin que nous offre Galina
Le festin que nous offre Galina

On arrive à Irkoutsk vendredi 6 novembre à 21h heure locale, après 87 heures dans le train, 5200 km parcourus et une bonne trentaine d’arrêts. Bien sur on est plutôt contents de sortir, de retrouver de l’air frais et de l’espace, mais globalement on trouve que le voyage est plutôt très bien passé. On s’est bien adapté au rythme tranquille du train, et le trajet ne nous a pas semblé interminable. Une chose est sûre, c’est une expérience inoubliable !

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